De la culpabilité de la fatigue psychologique

Voilà bien longtemps que je ne suis pas venue écrire ici… Aujourd’hui je ressens le besoin d’écrire pour extérioriser mon gros malaise du moment. Il y a des mois, j’avais partagé avec vous mon ennui au travail et c’est une situation qui n’a pas connu de revirement favorable. J’en suis toujours au même stade, pire encore. La fatigue physique s’est installée par dessus cet épuisement moral du fait de la grossesse et bien que tout se passe pour le mieux, je n’en peux plus. Je ne suis pas malade, j’arrive à dormir mais moralement je ne peux plus. Comme reléguée au placard dès mon arrivée finalement, on a eu la bonne grâce de me confier les tâches dont personne ne veut sans jamais se demander si oui je suis en forme finalement pour aller déposer si ou ça à droite à gauche. En fait dans mon travail, personne ne me demande si je tiens le coup. Parce que ça n’intéresse personne dès lors que ça peut modifier son propre petit confort.

C’est un coup de gueule que j’ai envie de pousser depuis longtemps et que je tais car ça ferait trop de dégâts. Il y a des jours avec et des jours sans, des jours avec forme d’autres avec fatigue, des jours où ça me rend malade, ça me tord le ventre et ce n’est pas mon compagnon de route qui me tape dedans. C’est tout le reste qui me tape sur le système. Moralement je suis arrivée au bout. Mais qui le voit ?

J’entends beaucoup parler de l’arrêt de travail bien avant le congé maternité quand le corps n’en peut plus. Il faut se préserver, penser au bébé puisqu’on le fabrique aussi et il éponge tout. On m’a dit que c’était pareil pour le moral.
Je ne me sens pas légitime du tout à être en arrêt parce que ça ne se voit pas. Pourtant c’est bien là, tellement là. C’est la même rengaine chaque jour, se féliciter à la pause dej parce qu’on a fait la moitié de la journée et attendre que la fin passe. Etre joyeuse de rentrer chez soi le soir car une nouvelle journée est passée et se dire que c’est un pas de plus vers le week-end. Je crois que le moment est venu de tirer ma révérence. D’accepter l’arrêt de travail sans culpabilité. Sauf que la culpabilité j’en ai même quand je suis en vacances ! Les premiers jours je me dis que je devrais être au travail (non pourtant oui je sais, j’ai le droit aux vacances). Là je culpabilise en me disant que je vais passer pour la fainéante puisque je tiens toujours debout que c’est juste que je n’ai plus envie. C’est vrai je n’ai plus envie mais ça ne relève pas du caprice, bien de la survie.

Ce qui est terrible c’est ce sentiment d’illégitimité. C’est de se dire « si je peux continuer » et le lendemain pleurer en cachette, trembler et avoir mal au ventre parce qu’on voudrait hurler, tout casser et sans aller comme ça au milieu de tout. Et se dire finalement le surlendemain que ça va après tout on peut tenir. Ce sont les montagnes russes et ce n’est en rien la faute de la grossesse puisque sur un an ça fait environ 10 mois que c’est comme ça. Au boulot je n’ai jamais progressé, j’ai même régressé. Heureusement que ma vie se poursuit en dehors de cela sans quoi j’aurai les pieds en plein dans la dépression… si je l’effleure déjà pas. Pour l’avoir déjà connu, je ne souhaite pas la recroiser. La perspective de reprendre après mon congé mat’ me rend déjà malade. J’ai le temps de voir venir je sais, d’ici là, bien des choses auront changé. Peut être que ce moment dont j’ai rêvé à de plusieurs reprises deviendra réalité, peut être que je rédigerai la lettre dont l’objet sera « démission ». Ou peut être que je reviendrais. Un peu. Je ne sais pas. Lundi je ne voulais plus y mettre les pieds, hors de question. Ce soir je ne sais pas. Un tout petit peu peut être, le temps de mettre sur pied mon affaire à moi, qui ne nécessitera que moi et ma motivation pour m’épanouir professionnellement.

Mais je me sens toujours coupable. Coupable de ne pas être à l’agonie pour justifier un arrêt de travail. Coupable de ne pas avoir la grippe, la gastro, les nausées, le mal de dos pour me figer sur place et justifier physiquement que tout cesse. J’ai des scrupules à laisser mon place de bureau vide alors que rien ne jonche ledit bureau et que je fais mine de travailler quand quelqu’un passe alors que je n’ai rien à faire. Coupable finalement de n’avoir rien à faire, me demandant où je me suis ratée alors qu’on m’annonçait tant de choses positives avec l’embauche. Coupable aussi de me sentir coupable alors qu’autour de moi tout le monde me dit que non ce n’est pas de faute, y’a clairement une volonté de ne pas attendre après moi et l’assemblée s’interroge alors sur le « pourquoi as-tu- été embauchée ? » Ca fait un an que le CDI brillait en lettres d’or et finalement ça fait autant de temps qu’il me pourrit la vie. Parce que j’ai la « chance » d’avoir un travail, que le quitter du jour au lendemain me laisserait con, sans revenus parce que j’aurai préféré sauver ma peau, ma santé que de continuer à regarder les heures, les minutes, les secondes passer chaque jour de l’année. Et parce que tellement de gens cherchent un travail et que « le CDI de nos jours c’est rare », tiens si jamais tu ne culpabilisais pas déjà ! Je pourrais laisser ma place, cela conviendrait à des gens c’est certain. Je gagnerai en sérénité d’esprit ? Oui sauf au moment de faire les courses, payer les impôts et le loyer. Mais pour la société, je fais partie des gens chanceux. C’est bien ma veine.

Je pourrais parler à tout va des heures, c’est déjà long ce que j’ai écris. Peut être que personne ne sera arrivé jusque là mais j’avais quand même envie de le dire et de ne pas le garder pour moi. Des fois j’ai envie d’envoyer des SOS « Aidez-moi, sortez moi de là pitiéééééé ». Aujourd’hui, je crois que le moment est venu pour moi de m’en sortir par moi-même. De me rendre malade de culpabilité les premiers jours mais me rendre malade chez moi plutôt qu’au travail.

2 réflexions sur “De la culpabilité de la fatigue psychologique

  1. Ne culpabilise pas de t’arrêter surtout pour un boulot dans lequel tu ne t’épanouis pas, ça ne sert à rien et de toute manière tu n’en auras rien en retour. Pour te parler de mon expérience, j’ai été arrêtée un mois avant mon congé pathologique pour choupette, j’ai culpabilisé car je savais que je n’aurais pas de remplaçante mais quand je vois les coups bas qu’ont pu me faire mes sympathiques collègues pendant mon arrêt et bien avec le recul je suis bien contente d’avoir profiter de ma grossesse et ça m’a d’ailleurs valu un changement de service du coup je suis beaucoup plus épanouie depuis….

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    1. Merci de ton commentaire, ça fait plaisir à lire. C’est terrible cette culpabilité quand même… Pourtant hier mon médecin m’a dit que finalement mon état d’esprit était tout à fait logique parce que moisir au travail ce n’est vraiment pas épanouissant.
      C’est bien que tu aies pu changer de service ! 🙂 Au moins tu es plus détendue après.
      Pour ma part je sais déjà que jamais je n’évoluerai ici alors il faudra que je prenne une décision en temps voulu :/

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